[PORTRAIT] - Thibault Durieux - sortir la grand-voile et naviguer en région polaire
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je m'appelle Thibault Durieux, je suis un Iésegurk (ça se dit toujours ?) de la promotion 2019, voilà donc plus de 10 ans que j’ai fait mes premiers pas dans cette belle école. J’ai cofondé en 2020 l’association Nerrivik, qui œuvre pour mieux comprendre et faire comprendre les écosystèmes marins, en organisant des expéditions océanographiques à la voile en région polaire. L’association lutte également contre le décrochage scolaire en intégrant des jeunes de quartiers prioritaires aux équipages.
Quel parcours as-tu fait à l’IÉSEG et quels souvenirs gardes-tu de tes études ?
Je suis diplômé du master audit, contrôle de gestion et finance d’entreprise en apprentissage chez Decathlon. Étant fan de sport, et donc fan de Decathlon, je garde un très beau souvenir de cette première expérience professionnelle au sein d’Artengo, la marque de tennis du groupe. L’IÉSEG m’a aussi donné l’opportunité d’effectuer un échange d’un an en Inde à Chennai, qui aura confirmé mon appétence pour tout ce qui sort des sentiers battus.
Je garde un beau souvenir de ces 5 années passées à l’École, qui m’auront également fait vivre mes premiers pas dans l’associatif avec la participation au collectif The Lab Factory, créé avec des amis de promo pour faire vivre notre passion pour des genres de musiques alternatifs dans toute la métropole lilloise.
Quelles ont été les grandes étapes de ta carrière professionnelle ?
Une fois ce master en apprentissage terminé, je suis parti 6 mois en Malaisie afin de travailler dans un orphelinat de la banlieue de Kuala-Lumpur. Une expérience marquée par la crise sanitaire, qui m’aura fait vivre un confinement plutôt original à des milliers de kilomètres de chez moi. À mon retour en juin 2020, j’ai pris un poste dans l’unité de pilotage financier au siège lyonnais du Crédit Agricole. En charge de la création d’outils de pilotage pour l’ensemble de la caisse régionale, j’ai également mené des études plus spécifiques sur les équilibres crédit-collecte et sur la rentabilité des centres d’affaires.
Ce passage au Crédit Agricole fût entrecoupé d’une première expédition d’un an à destination du Groenland, l’entreprise a eu la gentillesse de m’octroyer un congé sabbatique d’un an à peine 8 mois après mon arrivée, tout en sponsorisant l’expédition. Au retour de cette mission, j’ai repris mon poste pour mener d’autres analyses sur le PNB (Produit Net Bancaire). J’ai fortement apprécié ces missions d’analyse et de requêtage de données financières au sein d’une grande banque.
En octobre 2023, j’ai rejoint l’IECD, une ONG qui mène des projets de formation et d’insertion professionnelle dans de nombreux pays d’Afrique et d’Asie. En charge du contrôle de gestion des projets de Madagascar, j’ai eu la chance d’appuyer les équipes dans leur gestion financière et administrative en me rendant sur le terrain pour des missions longues.
Depuis ce mois de janvier 2025, je suis pleinement engagé dans l’association Nerrivik !
D’où est venue l’idée de créer Mission Nerrivik ? Et que veut dire Nerrivik ? 😊
Nerrivik est une association que j’ai fondée avec 4 amis d’enfance, avec le désir commun de partager notre amour pour l’aventure et l’exploration maritime. L’idée d’atteindre le Groenland à la voile servait aussi notre volonté de participer aux recherches océanographiques de plusieurs instituts qui manquent de données prélevées en zone arctique.
Dans la mythologie Inuit, Nerrivik désigne la déesse de la mer et des pêcheurs. Mais nous avons découvert que cette traduction n'était valable que pour le dialecte inuit des tribus d’Alaska ; pour celles du Groenland, Nerrivik signifie… table.
Sur les trois premières expéditions (Mission Nerrivik, Mission Ulysse, Mission Nanuq), les équipages successifs ont œuvré sur les 3 grandes missions qui sont l’ADN de l’association :
- Des recherches océanographiques répondant à des problématiques de compréhension et de préservation de l'environnement ;
- La mise en place d'un programme éducatif pour éveiller la curiosité des écoliers au milieu marin et aux peuples qui l'entourent ;
- L'intégration de jeunes adultes issus de quartiers défavorisés au sein de l'équipage.
Comment voyagez-vous ? Comment est choisi l’équipage qui t’accompagne sur ces missions ?
Les expéditions sont menées à bord de notre fidèle Bernick, un ketch en acier de 40 pieds que nous avons intégralement rénové pour répondre aux besoins des navigations arctiques. La navigation à la voile est une approche bien particulière du voyage, il s’agit d’un défi sportif permanent qui implique aussi une notion du temps et de l’espace bien loin de nos modes de vie parfois frénétiques.
Les équipages des expéditions successives sont constitués de personnalités qui portent les valeurs de l’association, et qui ont chacun une pierre à apporter aux 3 grandes missions de l’association. Sans être nécessairement des professionnels dans leurs domaines respectifs, ils ont tous à cœur de rendre une copie de qualité sur les missions océanographiques et le programme pédagogique, tout en mettant la main à la pâte sur la navigation.
Pour constituer l’équipage de cette quatrième expédition, j’ai aussi veillé à choisir des profils qui prendront plaisir à vivre ensemble dans un espace finalement assez restreint pendant 6 mois. C’est une clé importante de la réussite de la mission : un équipage équilibré aux compétences complémentaires, qui sait se faire confiance et se dépasser pour répondre à l’ambition de ce voyage arctique.
Comment choisissez-vous vos prochaines missions ?
Le choix de l’itinéraire de l’expédition répond avant tout à notre volonté de contribuer aux recherches océanographiques qui manquent de données prélevées en zones arctiques. En nous rendant dans ces zones quasi inexploitées, nous donnons accès à des matériaux biologiques précieux qui permettent de mieux comprendre l’évolution des écosystèmes marins, notamment au regard du dérèglement climatique.
Pouvez-vous nous parler de la prochaine expédition prévue ? La mission Asgard.
Dans la mythologie nordique, le royaume d'Asgard est une terre inaccessible des hommes, où les dieux Odin, Thor et autres Kyrill se sont installés après avoir créé les humains. Un nom fort à propos pour cette quatrième expédition qui a pour objectif le Svalbard, une des rares terres épargnées par les innombrables conquêtes des intrépides vikings.
L'appareillage est prévu au début du mois de juillet 2025, pour un retour sur les côtes bretonnes fin octobre 2025. L'atteinte de la ville la plus septentrionale du monde, Longyearbyen au Svalbard, va nous permettre contribuer à des programmes scientifiques bien spécifiques :
- La détection des muons, issus des rayons cosmiques et sensibles à l’activité solaire à l’origine des aurores polaires ;
- Des prélèvements de méthylmercure, qui permettront d'analyser l'évolution de l'acidité de l'océan ;
- L'observation acoustique des populations de cétacées des régions septentrionales ;
- Le recensement de colonies d'oiseaux arctiques.
L'équipage poursuivra par ailleurs les observations faites lors des trois premières expéditions : échantillonnage des microplastiques, prélèvements d'ichtyo planctons et largage de bouées Météo France.
L’itinéraire nous mènera également sur les traces des Vikings, l’occasion pour nous d’élaborer un programme pédagogique passionnant sur ces navigateurs. À chaque expédition de l’association, ce sont près de 1000 écoliers qui suivent Bernick dans son exploration grâce à un carnet pédagogique écrit par l’équipage et animé tout au long de l’expédition par des vidéos diffusées sur Youtube. L’objectif est de partager notre vie d’explorateurs à bord d’un voilier, mais aussi de partager nos études océanographiques et nos rencontres avec des peuples aux modes de vie bien éloignés de notre culture occidentale.
Que vois-tu pour la suite ? Quels sont tes objectifs ?
L’association a pour vocation à mener deux projets distincts : d’une part les expéditions océanographiques en milieu polaire, en intégrant le volet pédagogique, et d’autre part, le projet de réinsertion sociale pour les jeunes de quartiers sensibles.
Ce projet social a toujours fait partie intégrante des expéditions menées avec Bernick, mais l’expérience nous a montré que les résultats n’arrivent que lorsqu’on passe de nombreux weekends avec ces jeunes, avec un encadrement de professionnels (addictologues, psychologues, conseillers d’orientation…). A l’été 2024, 3 jeunes encadrés dans ce programme baptisé Cap ou pas Cap se sont rendus au Groenland pour naviguer sur Bernick pendant une dizaine de jours.
Cet accomplissement, à peine croyable lorsqu’on connaît le parcours de ces jeunes, démontre que le programme produit des résultats ! Nous souhaitons donc le pérenniser, avec une équipe distincte de celle qui prépare les expéditions polaires, avec des camps d’été sur des côtes plus accessibles que le Groenland, avec un autre bateau pleinement dédié à ce projet.
Site internet : https://www.mission-nerrivik.com/
Contact : contact@mission-nerrivik.com
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